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« Je veux ramener de la vie dans mes sols »

Pour Thibaut Barré, éleveur laitier dans l’Orne, l’abandon du labour réduit de manière importante les charges de mécanisation. L’exploitant estime aussi pratiquer une agriculture plus durable, plus en phase avec ses objectifs.

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«Je suis passé au travail simplifié du sol il y a une dizaine d’années, explique Thibaut Barré, éleveur à Écouché-les-Vallées (Orne). Dans le Gaec, l’agriculture de conservation s’est mise en place petit à petit. Au départ, j’ai pris cela un peu comme un challenge, une autre manière de travailler, plus respectueuse de l’environnement. L’idée était de ramener davantage de vie dans le sol. Mes prédé­cesseurs ne labouraient plus depuis quelques années déjà. Ils employaient surtout le chisel trois à quatre fois dans la même parcelle. J’ai commencé par diminuer la profondeur de travail, puis à réduire le nombre de passages, avant de réaliser progressivement du vrai semis direct. » La majorité du matériel employé sur l’exploitation provient de la Cuma. Thibaut ne disposait pas d’outils adaptés. Il a commencé par faire appel à une ETA pour implanter du blé avec un semoir Semeato directement dans un couvert, composé d’un mélange de luzerne et de dactyle. Technique qu’il a poursuivie et étendue à d’autres cultures.

« Dans ces techniques, il n’existe pas de rotation type, ni de schéma unique »

Désormais, il sème du colza en mélange avec du trèfle blanc. Le colza prend le dessus, pendant que le trèfle reste en attente jusqu’à la moisson. La légumineuse se développe ensuite permettant, selon les années, de réaliser une coupe avant de réimplanter un blé en semis direct sous couvert.

Sur les sols caillouteux, la rotation est souvent constituée de blé, d’orge, puis de colza. Dans les bonnes terres, Thibaut Barré privilégie une succession de blé, de maïs, puis à nouveau blé et colza, en intercalant parfois du pois. « Dans ces techniques d’agriculture de conservation, il n’existe pas de rotation type, ni de schéma unique reproductible chez tout le monde, insiste-t-il. Chacun compose son programme selon ses besoins, son type de sol et la météo de l’année. En tant qu’éleveur par exemple, il est intéressant de récolter de la paille de blé mêlée à de la luzerne. Nous pouvons l’utiliser comme fourrages pour les veaux et les génisses. De même, j’implante systématiquement un couvert entre deux cultures. Je choisis des espèces et des variétés que je peux récolter en ensilage ou en enrubannage, mais ce n’est pas systématique. Il est important d’enfouir régulièrement les plantes d’interculture pour offrir de la matière organique à toute la faune qui vit dans le sol. Comme nous avons une grande surface de culture de vente, nous ne récoltons pas toute la paille de blé. Sur certaines parcelles, elle est broyée et reste au sol. Si je dois ressemer de l’orge à l’automne suivant, je passe alors le déchaumeur pour l’enfouir. Quand c’est pour faire du maïs au printemps, je sème directement une interculture sans enterrer la paille », poursuit Thibaut.

Les couverts sont souvent constitués de mélanges avec deux, trois, voire quatre espèces différentes. Pour réussir l’implantation de graines ayant des dimensions parfois très différentes, l’éleveur n’hésite pas à innover. Ainsi, quand son mélange contient de la féverole, il utilise un épandeur à engrais DP12, équipé de rampes pneumatiques de 12 m de large pour déposer les graines au sol. Puis il repasse avec son semoir pour implanter les autres espèces : le foisonnement de la terre suffit généralement à enterrer la féverole.

« L’agriculture de conservation fait baisser les coûts de mécanisation »

Cette année, le Gaec a acquis en Cuma un vrai semoir de semis direct de marque Maschio Gaspardo. Cet appareil, équipé de disques, peut passer dans pratiquement toutes les configurations de sol, sans perturber l’horizon superficiel. Auparavant, une grande partie des semis était effectuée par une ETA. Ce type de prestation coûte, selon le matériel employé, entre 50 et 60 € par hectare (tracteur, GNR et main-d’œuvre comprise). Le nouveau semoir lui revient à 15 € par hectare, mais il doit effectuer le travail avec son tracteur.

« Économiquement, le prix de revient est comparable. Par contre, en disposant du matériel, je serai sans doute plus réactif pour intervenir le jour J. Du côté des charges opérationnelles, l’agriculture de conservation fait baisser les coûts de mécanisation, mais ce n’est pas le seul poste qui diminue. J’utilise moins d’insecticides et moins de fongicides car je cherche à préserver la vie du sol. À long terme, j’espère aussi réaliser des économies d’apports d’azote. »

La gestion du désherbage reste l’un des points stratégiques de son assolement. Par exemple, dans une parcelle de blé qui doit recevoir de l’orge à l’automne, Thibaut implante souvent un couvert en mélange de plusieurs espèces (phacélie, vesce, moutarde). Cette interculture est traitée avant le semis de l’orge par l’application de glyphosate à la dose de 0,8 ou 1 l/ha. L’objectif est avant tout de détruire les graminées du couvert, notamment les ray-grass qui ne doivent pas se développer dans la céréale. Si le couvert contient des légumineuses, elles sont généralement préservées et repartiront plus tard. Même stratégie avant de semer du blé dans de la luzerne. Au printemps, il complète le programme de désherbage par un traitement à base d’Allié à petite dose (5 g/ha) pour freiner la luzerne qui ne doit pas trop concurrencer le blé. Globalement, l’éleveur économise 20 à 30 unités d’azote par hectare, pour un rendement tout à fait comparable à celui de ses voisins. Il utilise aussi moins de désherbant : le sol étant couvert par la luzerne, les adventices se développent peu. Au niveau sanitaire, le blé reste généralement sain et le couvert n’induit pas la présence de maladies.

« Le glyphosate reste indispensable dans mon mode de fonctionnemen t »

« Le glyphosate reste indispensable aujourd’hui dans mon mode de fonctionnement, ajoute-t-il. Je l’emploie à des doses faibles et surtout cela me permet de diminuer l’usage d’autres molécules dans le programme de désherbage de la culture suivante. Si ce produit est retiré du marché, je devrais compenser avec d’autres solutions plus chères, mais aussi plus nocives pour l’environnement, ce qui n’aura pas de sens », déplore Thibaut Barré.

© D.L. - Rotation. « Nous adaptons chaque année la rotation et le choix des espèces implantées en couvert selon les parcelles et la météo », explique Thibaut Barré. D.L.

© D.L. - Les couverts. Ils sont soit récoltés pour les animaux, soit détruits et laissés sur la parcelle pour nourrir la microfaune du sol.D.L.

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